Hugo VOJETTA & Charles-Antoine KOCH
10 mai 2023
Une diplomatie témoin du renforcement du rôle de la Corée du Sud et du Japon en Indo-Pacifique...
Les gouvernements japonais et sud-coréens ont repris, le lundi 17 avril, leur dialogue conjoint sur la sécurité après cinq ans de suspension en raison de la détérioration des relations bilatérales. Ce dialogue a permis aux deux pays de se rencontrer à Séoul et à discuter des moyens pouvant gérer le développement nucléaire et des missiles de la Corée du Nord. « Dans le cadre des efforts visant à rétablir une relation saine entre le Japon et la Corée du Sud, nos autorités de défense continueront à communiquer étroitement » a déclaré le secrétaire général du Cabinet du Japon, Hirokazu Matsuno, lors d’une conférence de presse. Celui-ci a également rappelé que les participants ont évoqué la coopération potentielle entre les deux pays et d’un rapprochement avec les Etats-Unis. Plusieurs experts ont annoncé que des pourparlers seraient en cours entre le Japon et la Corée du Sud afin d’augmenter le partage de renseignement militaire.
En effet, le jeudi 13 avril, Pyongyang a déclaré avoir testé avec succès le Hwasong-18, un missile balistique intercontinental à combustible solide ; une avancée majeure pour les capacités de contre-attaque nucléaires du pays, conformément à l’allocution du Nouvel An du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.
Dans ce sens, la multiplication des actions belligérantes nord-coréennes semble trouver un écho dans un rapprochement inédit entre le Japon et la Corée du Sud. Le Japon avait accueilli en septembre 2022, à la suite d'une précédente réunion à Hawaï, une réunion trilatérale à Tokyo à laquelle ont participé avec des émissaires sud-coréens et américains. Cet événement sur fond de réflexion sur le nucléaire nord-coréen avait abouti en un renforcement des liens de sécurité face aux potentielles provocations de Pyongyang. Faisant fi de relations historiques complexe, le président sud-coréen, Yoon Suk-yeol, s’était rendu à Tokyo en mars 2023, à la rencontre de son homologue japonais, le Premier ministre Fumio Kishida. A la suite de cette visite, c’est le Premier ministre japonais qui s’est rendu à Séoul en ce début de mois de mai 2023, marquant ainsi la poursuite d’un nouveau souffle dans les relations diplomatiques entre les deux pays.
Toutefois, il est aussi important de souligner dans cette dynamique diplomatique le rôle de l’acteur américain. Pour rappel, en septembre, le porte-avions de l'US Navy, l'USS Ronald Reagan, et son groupe d’escorte avaient été déployés vers la péninsule coréenne et avaient gagné le port de Busan dans un sensible effort de dissuasion face aux forces du Nord. À noter également que le président Biden avait reçu en janvier 2023, le premier ministre Kishida lors d’un sommet de Washington. Cette réunion contribue à positionner l'alliance américano-japonaise pour faire face aux défis sécuritaires de la région dans différents domaines et confirme le soutien américain aux efforts de défense entrepris par les forces nippones. En avril 2023, c’est le président Yoon Suk-yeol qui est allé à la rencontre Joe Biden à Washington. Les discussions ont souligné l’inquiétude sud-coréenne liée à l’escalade des tensions entre les deux Corée et au volet nucléaire de cette crise. Pour rappel, Yoon Suk-yeol avait déjà évoqué pendant sa campagne à la présidence coréenne, l’idée que des armes nucléaires américaines pourraient être redéployée en Corée du Sud pour dissuader le voisin du Nord. Ce dernier avait déclaré plus tôt cette année que son pays envisageait de développer ses propres armes nucléaires ou de demander aux États-Unis de les redéployer sur la péninsule. À la suite de la rencontre entre les deux hommes en avril 2023, Washington et Séoul ont réaffirmé leur alliance au travers d’une déclaration conjointe marquant les 70 ans de l’alliance entre les deux pays. Ce dernier avait déclaré plus tôt cette année que son pays envisageait de développer ses propres armes nucléaires ou de demander aux États-Unis de les redéployer sur la péninsule. À cet effet, les deux acteurs ont que des sous-marins américains dotés d'armes nucléaires reprendraient les visites portuaires en Corée du Sud, marquant ainsi davantage la rupture entre Yoon, et la politique de dialogue avec le Nord de son prédécesseur.
Sur fond de crise nord-coréenne et de crainte commune à l’égard de Beijing, ce rapprochement témoigne d’ores et déjà de manière symbolisme d’une certaine synergie dans les approches des alliés.
Plus encore, la recrudescence des tensions dans la péninsule coréenne et autour de l’île de Taïwan, illustré par le nombre inhabituel de lancements de missiles nord-coréens et des initiatives de l’Armée Populaire de Libération depuis l’été 2022, contribue également à mettre davantage en lumière le rôle croissant du Japon et de la Corée du Sud dans l'architecture de sécurité régionale.
À cet égard, le récent wargame du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), mettant en scène différents scénarios hypothétiques d'une invasion de Taiwan, soulignait déjà l’importance du Japon dans la possible victoire de Taïwan face au potentiel envahisseur chinois. De fait, le rapport du CSIS évoque en outre, le rôle capital des bases américaines au Japon ou encore du renforcement : « Alors que d'autres alliés (par exemple, l'Australie et la Corée du Sud) sont importants dans la concurrence plus large avec la Chine et peuvent jouer un certain rôle dans la défense de Taïwan, le Japon est la cheville ouvrière. Sans l'utilisation de bases américaines au Japon, les avions de chasse/attaque américains ne peuvent pas participer efficacement à la guerre. »
Par ailleurs, la mise en œuvre du potentiel militaire japonais s’exemplifie aussi dans la récente réarticulation historique budgétaire. Pour rappel, les autorités japonaises avaient dévoilé le 6 décembre 2022 son plus grand plan d'investissement en matière de défense depuis la seconde guerre mondiale. De fait, 320 milliards de dollars seraient débloqués afin de renforcer les capacités des forces de l’île. L’évolution des forces de l’île est notamment caractérisé par la montée en puissance de sa marine avec en premier ses portes hélicoptères de classe Izumo. Enfin, les documents stratégiques des différents acteurs, comme la récente stratégie Indo-Pacifique sud-coréenne publiée cette année, témoignent également d’une convergence dans les préoccupations en matière de sécurité dans la région Indo-Pacifique et d’une volonté commune de contribuer à la défense régionale.