Hugo VOJETTA & Charles-Antoine KOCH
15 mai 2023
Un OTAN asiatique ?...
L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ouvrira un bureau de liaison au Japon dans le cadre d’un rapprochement vers l’Asie et de ses quatre partenaires à savoir l’Australie, la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande alors que la Chine augmente son empreinte dans la région Indo- Pacifique. À cette occasion, le Japon et l’Alliance ont conjointement annoncé le renforcement leur coopération dans le cadre d’un programme de partenariat individualisé (ITPP) avant le sommet de l’OTAN, à Vilnius, qui se tiendra les 11 et 12 juillet 2023. Ainsi, l’idée d’un bureau de liaison qui avait précédemment été discuté au début de cette année entre le Premier ministre japonais Fumio Kishida et le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg fait son chemin et aurait été soumis aux 31 membres, selon le journal Nikkei Asia.
Stoltenberg avait déclaré aux journalistes lors de sa visite à Tokyo, qu'une victoire russe en Ukraine enhardirait la Chine à un moment où elle renforce son armée, « intimide ses voisins et menaçe Taiwan ». Il avait ajouté : « Cette guerre n'est pas seulement une crise européenne, mais un défi à l'ordre mondial… Pékin surveille de près et tire des leçons qui pourraient influencer ses décisions futures. Ce qui se passe en Europe aujourd'hui pourrait se produire demain en Asie de l'Est. »
En parallèle de sa focalisation traditionnelle sur la Russie, l’alliance militaire occidentale semble donc étendre son implantation en Asie et augmente par là le risque de confrontation avec Pyongyang et Pékin, qui aurait selon le concept stratégique otanien de 2022, une « politique coercitive » et un « renforcement militaire opaque ». Face aux critiques, l’Alliance a rappelé son intérêt et sa coopération pluri-décennale avec ses quatre partenaires de la région et le secrétaire général l’a rappelé à Tokyo : « Ce qui se passe en Europe compte pour l'Asie, pour l'Indo-Pacifique, et ce qui se passe en Asie et dans l'Indo-Pacifique compte pour l'Europe ».
Néanmoins, l’approfondissement des relations de l'OTAN avec les pays de l'Indo-Pacifique, comme le Japon ou la Corée du Sud, ne signifie pas nécessairement une implication de l'alliance dans un potentiel conflit asiatique à venir. C’est du moins l’idée qu’à récemment défendue le président de la Conférence de Munich sur la sécurité, Christoph Heusgen. D’une part, le projet d'ouvrir un bureau de liaison à Tokyo démontre d’abord l'intérêt de l'OTAN pour la stabilité régionale et sa volonté de renforcer ses relations avec ses partenaires de la région Indo-Pacifique dans le cadre de son programme 2030. D’autre part, l'Alliance recherche à assurer un socle commun afin de contrer les efforts de coercion entre la Russie, la Chine et la Corée du Nord. Ainsi, si le futur bureau de l'OTAN à Tokyo est une première de ce genre en Asie et devrait permettre à l'Alliance de mener des consultations périodiques avec le Japon et d'autres partenaires clés dans la région, en particulier sur les défis posés par la question chinoise, Heusgen déclare que « lorsqu'il s'agit d'une implication active de l'OTAN dans d'éventuelles situations de conflit (dans l'Indo-Pacifique), cela est par définition exclu dans le traité ».
Aussi, il convient d’admettre que les ramifications sécuritaire et économique du conflit russo-ukrainien et de la montée des tensions en Indo-Pacifique laisse entrevoir un alignement croissant des intérêts, notamment de défense, des pays de l'OTAN avec plusieurs pays de l’Indo-Pacifique, ce qui peut que nourrir des spéculations sur l’avenir de l’Alliance dans la région.
Toutefois, au regard des problématiques dans la péninsule coréenne, dans le détroit de Taïwan, et en mer de Chine méridionale, il faut aussi observer que Washington a pu rejeter à plusieurs reprises les affirmations selon lesquelles les États-Unis tentent de créer une version asiatique de l'OTAN. En effet, les forces américaines entretiennent d’ores et déjà des partenariats stratégiques particuliers avec certains pays de l’Indo-Pacifique que le Japon, la Corée du Sud ou encore les Philippines et n’aurait donc pas le besoin de développer un nouveau système d’alliance.
Sources Images: U.S. Indo-Pacific Command/NATO