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Réunion de l’US-Japan Security Consultative Committee

Thomas BOISSONNADE

14 févr. 2023

Réunion de l’U.S.–Japan Security Consultative Committee (SCC), marqueur de l'évolution stratégique japonaise…

Le 11 janvier 2023, le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Anthony Blinken, le Ministre des Affaires étrangères japonais Yoshimasa Hayashi et le ministre de la Défense japonais, Yasukazu Hamada se sont rencontré dans le cadre de l’U.S.–Japan Security Consultative Committee (SCC), aussi appelé le « 2+2 ». Ces rencontres bilatérales entre les ministres des affaires étrangères et les ministre de la Défense américains et japonais - d’où le surnom « 2+2 » - se déroulent depuis 1976 et ont pris de l’importance au fil des années. Ces échanges permettent de discuter des questions de sécurité et de la stratégie à adopter en Asie-Pacifique pour l’alliance nippo-étasunienne. L’objectif est de renforcer la coopération stratégique entre les deux pays et d’essayer de s’aligner pour répondre ensemble aux défis régionaux.


« Les Etats-Unis saluent également la coopération accrue avec l’OTAN, et le rôle de meneur du Japon dans le groupe des partenaires de l’Asie Pacifique. »

Déclaration conjointe issue de l’U.S.-Japan Security Consultative Committee de 2023


Ainsi, la déclaration conjointe issue de cette rencontre n’apporte rien de nouveau, mais souligne l’alignement presque total des deux pays en matière de politique extérieure. La déclaration commence par souligner l’importance stratégique de la région Indo-Pacifique. Ils affirment aussi leur soutien mutuel dans le développement des forces américaines et japonaises dans la région. Ils expriment aussi leur volonté de développer la coopération, l’interopérabilité et la capacité de dissuasion des deux armées dans l’espace Indo-Pacifique. Pour remplir ces objectifs, 5 axes sont dégagés : la coordination de l’alliance, les efforts alliés en temps de paix, la capacité à dissuader et répondre aux menaces, l’espace et la cybersécurité et enfin l’importance de conserver un avantage technologique sur leurs adversaires.


Il faut ainsi revenir sur les moyens mis en œuvre par les deux pays pour remplir les objectifs affichés par la déclaration conjointe de la SCC. Du côté des Etats-Unis, il y a déjà 54 000 soldats, dont 18 000 marines, présents au Japon. La plupart se trouvent sur les îles de l’archipel Nansei. Il n’y aura pas d’augmentation des effectifs américains, mais il y aura des changements avec la création du Marine littoral regiment, dont le déploiement sera terminé d’ici 2025 et qui se concentrera sur des missions de reconnaissance, de surveillance et de transport en mer de Chine. Ce nouveau régiment comptera 2 000 marines et sera équipé entre autres de drones et de missiles antinavires. Le but est d’avoir une force plus dispersée et avec de l’équipement plus léger. Le Japon quant à lui s’est lancé sous Shinzo Abe dans un véritable effort de réarmement. Dans les 5 ans à venir, les dépenses militaires de Tokyo vont doubler pour arriver à 2 % du PIB, dans le but de moderniser l’armée et d’augmenter les effectifs. Une telle hausse est sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans l’archipel nippon, qui est caractérisé par un fort attachement au pacifisme.


La rencontre de la SCC se fait dans un contexte où le Japon, pour assurer sa sécurité, cherche à se rapprocher de différents partenaires en Indo-Pacifique allié des Etats-Unis comme la France, le Royaume-Uni. Dans le cadre du Quadrilateral Security Dialogue, le Japon échange aussi avec l’Inde et l’Australie. Et surtout, la déclaration commune le souligne, Tokyo tisse des liens avec l’OTAN. En juin 2022, le Premier Ministre Fumio Kishida était présent à Madrid pour le sommet de l’OTAN, une première pour un premier ministre japonais. M. Kishida a aussi rencontré le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, le 31 janvier 2023.


Enfin, ce document issu de la SCC désigne aussi trois menaces pour la sécurité du Japon et des Etats-Unis : la Russie à cause de la guerre en Ukraine, la Corée du Nord pour ses tirs de missiles et la Chine pour ses activités en mer de Chine. Pékin est tout de même désigné comme la plus grande menace pour la stabilité dans la région. D’abord, il y a les revendications chinoises sur les îles Senkaku (appelées Diaoyu par Pékin), dans l’archipel de Nansei, contrôlées par le Japon. Mais le plus grand risque pour le Japon reste une invasion de Taiwan par la République populaire de Chine. Certaines îles de l’archipel de Nansei se trouvent à seulement 100 km de Taiwan. Des bases américaines se trouvent dans cet archipel, notamment à Okinawa et elles seraient sûrement des cibles en cas d’intervention des Etats-Unis. De plus, si la Chine occupait Taiwan, elle pourrait menacer les routes maritimes entre le Japon et l’Europe ou le Moyen-Orient. L’ensemble de ces éléments ont poussé Tokyo à se réarmer et à se rapprocher de l’OTAN et des Etats-Unis. Ce changement de doctrine commencé sous Shinzo Abe tourne le Japon vers le sud et se concentre sur un renforcement des capacités militaires pour pouvoir défendre, avec l’allié américain, les « îles de la première chaîne ».


« Les Ministres s’accordent sur le fait que la politique étrangère chinoise cherche à remodeler l’ordre international à son profit et utilise la puissance croissante de la Chine dans les domaines politique, économique, militaire et technologique à cette fin. Ce comportement est très préoccupant pour l’Alliance et toute la communauté internationale et représente le plus grand défi stratégique dans la région Indo-Pacifique et au-delà. »

Déclaration conjointe issue de l’U.S.-Japan Security Consultative Committee de 2023


Reste à savoir la position pour laquelle le Japon optera en cas de conflit ouvert entre la Chine et les Etats-Unis pour Taiwan. Dans un tel scénario, le soutien du Japon serait crucial pour une éventuelle victoire américaine. D’après un arrangement issu d’une note de 1960, les Etats-Unis doivent effectuer une « consultation préalable » avec Tokyo avant d’utiliser les bases américaines pour une mission qui n’est pas liée à la défense du Japon. Il est probable qu’en cas d’invasion de Taiwan, le Japon donnerait son accord, mais cela pourrait dépendre de beaucoup de facteurs internes au Japon et de l’intensité de l'agression. Enfin, quel rôle aurait le Japon en cas d’implication ? Seraient-ils uniquement présents pour de la logistique et aider à l’évacuation de Taiwan ? Auraient-ils un rôle plus actif dans ce conflit ? Il est important pour les Etats-Unis et le Japon de clarifier ces « zones grises » au travers de leurs différentes rencontres, dont la SCC. Cela permettra aux deux pays d’assurer une réponse efficace et rapide face à une invasion de Taiwan.


Sources Images : The White House/NATO/U.S. Indo-Pacific Command

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